Note: 14,5/204 étoiles sur 5: ****Que l'on aime ou pas son cinéma, force est de reconnaître que David Fincher est un sacré bon metteur en scène! Que ce soit dans un thriller labyrinthique ("The Game"), dans un ovni sociologique ("Fight Club") ou dans un grand drame humain ("L'étrange histoire de Benjamin Button"), Fincher marque par sa réalisation fluide, soignée, inspirée. Après on accroche plus ou moins au pitch, toujours atypique.
A la première lecture, "The Social Network" apparaissait justement comme d'un classicisme ennuyeux comparé aux précédents longs du réalisateur. La genèse de Facebook et la réussite aussi rapide que spectaculaire de son géniteur: le genre de sujets que les grands pontes d'Hollywood mettent en oeuvre à la pelle. Surfer sur LE phénomène du moment, profiter du buzz avant qu'il ne s'éteigne.. (s'éteindra-t-il un jour en l'ocurrence? C'est un autre débat..).
Le coup de force vient donc du fait que non, "The Social Network" n'est pas une biographie bavarde et dénuée d'intérêt.
Le film de Fincher est certes une biographie, à la fois dramatique et comique, mais, et c'est là l'intérêt, qui se révèle aussi captivante qu'un bon thriller!
Le scénario d'Aaron Sorkin y est donc pour beaucoup: aucun temps mort en 2 heures de film, des répliques ciselées qui sont débitées à un rythme parfois hallucinant, des retournements de situations, temporels et factuels...
La réalisation de Fincher vient soutenir ce scénario bien troussé et le complète parfaitement grâce à des plans inspirés et un montage d'une efficacité redoutable (la séquence de l'aviron, pourtant accessoire, illustre plutôt bien la maîtrise technique de l'ensemble, ou, et peut-être encore davantage, le piratage du réseau de Harvard monté en alternance avec la "party" du Phoenix).
La musique électro de Trent Reznor et d'Atticus Ross apporte un côté assez obscur au film avec des tons proches de ce que Zimmer a pu faire pour les deux derniers films de Nolan. Les deux comparses s'offrent au passage une reprise moderne de "Peer Gynt" de Grieg: culte!
Mais "The Social Network" ne serait rien sans ses acteurs. On retiendra en premier lieu les interprétations haut de gamme des deux rôles principaux: Mark Zuckerberg, interprété par Jesse Eisenberg ("Bienvenue à Zombieland") et Eduardo Severin, interprété par Andrew Garfield ("Boy A" et le nouveau Spider-Man). J'insiste tout particulièrement sur la performance de ce dernier, qui crève vraiment l'écran! J.Eisenberg est aussi très bon, mais sa performance est aussi largement mise en valeur par son texte, plein de répartie et de sarcasme!
Venons-en à une des motivations majeures du long métrage: la vision qu'a Fincher de Zuckerberg. Ce dernier est présenté comme un étudiant totalement associable, replié sur lui-même et qui semble avoir intégré sa vie dans un programme informatique dont lui seul connait le code. Ironie du sort puisque ce marginal va créer le plus grand réseau social de la planète. Le génie est à part, c'est bien connu, et on en a ici la flagrante confirmation. Loin de susciter l'antipathie, le personnage de Zuckerberg entraine davantage de curiosité, de perplexité et même de pitié. Une réussite extérieure acquise au pris d'un désespoir intérieur. Un incompris ou un manipulateur? Sans doute les deux. Pourtant Zuckerberg comprend très bien le fonctionnement social des individus et arrive à saisir leurs besoins primaires en la matière.
L'autre thème majeur du film est bien sûr l'ambition! Ambition cachée en apparence chez Zuckerberg, étalée avec fracas chez Sean Parker, créateur de Napster (service à l'origine du "peer to peer" soit le partage illégal de fichiers), incarné avec justesse par Justin Timberlake. La face "sociable" de Zuckerberg, en quelque sorte son
Dr Jekyll (ou
Mr Hyde, telle est la question..). Un alter-ego qui brisera le seul lien d'amitié contracté par notre anti-héros. Car le film est aussi un drame humain par beaucoup d'aspects.
"The Social Network", en prenant comme fil conducteur les deux procès contre Mark Zuckerberg, arrive à tenir en haleine le spectateur sans aucune difficulté, en partant d'une réussite pourtant connue de tous. La multiplicité des enjeux, l'épaisseur des personnages, l'habilité de la mise en scène font du nouveau Fincher un film de qualité, quasi générationnel et qui se permet au passage de livrer une analyse plutôt fine sur nos sociétés modernes.
A voir. Parmi les points forts de ce cru cinématographique 2010.